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dimanche 23 août 2015

JO de 1968 : deux poings levés... 2/2




JO de 1968 : deux poings levés... et un  troisième homme, acteur lui aussi


Tommie Smith et John Carlos sont aussitôt sanctionnés






Le poing levé de Tommie Smith et de John Carlos, leur vaut de passer du statut de star à celui de paria. Leur punition est impitoyable. Dès le lendemain, ils sont bannis du village olympique par le président des jeux, L'Américain Avery Brundage. Celui-ci est intraitable en ce qui concerne l'immixtion du politique au sein de la plus grande compétition sportive.

Leurs carrières de sprinteurs prennent aussitôt fin: d'abord suspendus temporairement, ils sont ensuite interdits de compétition à vie. Tommie Smith vient pourtant d'établir un nouveau record du monde. Il a parcouru les 200 mètres en 19,83 secondes. Une telle célérité ne sera jamais surpassée avant 1979, et 1984 dans le cadre des Jeux olympiques.




Du podium à l'enfer




Les choses empirent après 1968. Boycottés par les médias, les deux héros honnis voient leur quotidien se dégrader. Eux et leurs familles reçoivent quotidiennement des menaces de mort. Smith se fait tout bonnement "virer" de son emploi de laveur de voitures. Trouver un autre emploi s'avère quasi-impossible. Même l'armée lui refuse son entrée. Sa femme divorce, alors que les poches du médaillé d'or sont vides de toute pièce. John Carlos subit le même sort: il reste sans aucun travail, sa femme finit par se suicider. 




Il faudra attendre la fin des années 80 pour que le monde daigne reconnaître leur action, et esquisser un geste de pardon. Leur courage ne sera véritablement honoré que dans les années 90-2000.




Le "troisième homme", acteur à part entière







Si l'attention s'est portée de fait sur la mutique provocation des deux afro-américains, ce sont pourtant trois hommes qui se dressent sur le podium photographié par John Dominis. Ce troisième, c'est l'Australien Peter Norman, qui a doublé Carlos dans les derniers mètres. Et contrairement à ce que sa posture conventionnelle laisse à penser, il est un acteur à part entière de la scène.

L'idée est bien celle de Tommie Smith. Mais c'est en l'entendant converser avec John Carlos que l'Australien propose de rallier leur cause, estimant que ce combat "est aussi celui de l'Australie blanche". Ceux-ci lui demandent s'il "croit aux droits de l'homme" et "en dieu". Norman acquiesce, et se munit du badge de "l'Olympic project for humans rights" qu'arborent d'autres sportifs noirs. On l'aperçoit nettement sur le cliché. C'est même lui qui suggérera que Smith et Carlos se partagent une seule paire de gants, le second ayant oublié sa paire.




Aussi, si Peter Norman jouit d'une moindre aura que de ses camarades - avec qui il restera lié pour la vie, sa bravoure est tout aussi exemplaire. Respectueux d'une lutte qui le dépasse, il fera quand même les frais de sa discrète audace. Il ne sera certes pas exclu du village olympique le lendemain. Il ne sera pas non plus explicitement renié par la fédération australienne, qui lui laissera l'espoir d'un avenir d'athlète.
Mais à défaut d'être lynché par l'opinion, il est privé des jeux de 1972 par les autorités, malgré sa qualification et ses performances irréprochables. Obtenir une médaille d'or est un songe désormais lointain, balayé pour des raisons obscures. Peter Norman retourne à son ancien travail d'enseignant, qu'il perdra quelque temps après pour des raisons tout aussi vagues. A nouveau, un rêve est brisé, pour le soutien d'un homme à celui de milliers d'autres, qui n'aspirent pourtant qu'à l'égalité des droits. En 2000, 32 ans après le coup d'éclat de Mexico
les autorités sportives de son pays lui dédaignent encore l'accès aux jeux de Sydney



Il meurt d'une crise cardiaque en 2006. Tommie Smith et John Carlos, alors réhabilités, font immédiatement voyage vers Melbourne, pour acheminer le cercueil de leur défunt camarade.




Il n'auront de cesse de louer la noblesse du "seul sportif blanc qui eut assez de cran" pour donner à leur geste sa portée véritable, universel et rassembleur. John Carlos déclarera lors de l'inhumation: "Je pensais voir la crainte dans ses yeux. J'y vis l'amour".






Source :  http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20150805.OBS3729/jo-de-1968-deux-poings-leves-et-un-troisieme-homme-acteur-lui-aussi.html


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