JO de 1968 : deux poings
levés... et un troisième homme, acteur lui aussi
Ces photos mythiques qui ont marqué l'histoire - Aujourd'hui, les
poings levés de Tommie Smith et John Carlos, lors des JO de 1968.
Peter
Norman, Tommie Smith et John Carlos, lors des JO de 1968. (Anonymous/AP/SIPA)
Cet été,
"l'Obs" revient sur les photos qui ont marqué l'histoire. A la
une des journaux, dans les pages de nos livres d'école, voire arborées
fièrement sur nos t-shirts, elles ont fait le tour du monde. Mais
connaissez-vous l'histoire secrète de ces clichés mythiques ?
Un geste de défi
1968, année
césure. Même si l'événement se veut apolitique, les Jeux
olympiques de Mexico ne sont pas épargnés par la bourrasque
de révolte qui souffle alors. Sur cette photo, restée gravée dans les esprits,
deux des trois gagnants de la très prisée épreuve du 200 mètres brandissent un
poing ganté de noir, les yeux rivés vers le sol.
Il s'agit de
Tommie Smith et de John Carlos, respectivement premier et
troisième, qui s’érigent ce jour-là contre le racisme et l’exclusion dont sont
toujours victimes les afro-américains aux Eta-
ts-Unis. Le geste en soi peut
sembler banal. Mais ce 17 octobre 1968, les deux athlètes défient leur pays et
la bienséance des Jeux sous les caméras du monde entier, par ce triomphe
honteux et accusatoire. Le scandale sera immédiat, et les sanctions aussi
cinglantes que l'écho.
"Dénoncer l'injustice"
La
ségrégation, théoriquement abolie en 1964 par le Civil Rights Act, est encore
bien présente dans les mentalités en 1968. L'intolérance et les crimes racistes
empoisonnent toujours l'intégration de la communauté noire : le 4 avril, soit
cinq mois avant les JO, Martin Luther King est assassiné, et une énième
vague d'émeutes embrase le pays qui semble éternellement promis à la violence.
Il y a une quarantaine de morts.
Tommie Smith
et John Carlos, s'ils n'appartiennent pas de fait à l'un des groupes du Black
Power, en deviennent les emblèmes. Ce fameux poing levé, ceint de noir,
est en fait l'apanage d'une des formations les plus actives et radicales de
l'époque, le Black Panther Party. Et si c'est ce geste qui laissera
l'opinion bouche bée, les athlètes ne s'en sont pas contentés. Leur
regard, qui se détourne du drapeau américain pendant que l'hymne national
retentit fièrement, guide le nôtre vers leurs pieds drapés de longues
chaussettes noires.
Ceci,
énoncera Tommie Smith, "n'a d'autre but que de dénoncer la pauvreté des
noirs américains". Pareillement, le foulard qu'il porte ainsi que le
maillot ouvert de son camarade John Carlos sont des références explicites au
lynchage et l'esclavage des leurs. Un asservissement dont les chaînes jugulent
encore la liberté des afro-américains.
Un impact instantané
Ce moment,
figé par le photographe John Dominis, ne laisse pas apparaître l'incroyable agitation
qui s'ensuit. Car l'effet escompté ne se fait pas attendre. Les audacieux
coureurs viennent, en un instant, de clamer en silence la souffrance et
l'injustice séculaires de tout un peuple, sous les yeux du monde entier. La
foule hurle, crache, les organisateurs hoquètent.
Insultes et
menaces fusent, mais un vent d'espoir, qui mugit plus fort encore, souffle à
nouveau pour la communauté noire. Le lendemain, trois autres vainqueurs
afro-américains du 400 mètres, Lee Evans, Larry James et Ron Freeman, se
présenteront sur les marches du podium avec un béret noir, autre référence à
l'injustice qui persiste.
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