mercredi 19 août 2015

JO de 1968 : deux poings levés ... 1/2



JO de 1968 : deux poings levés... et un troisième homme, acteur lui aussi


Ces photos mythiques qui ont marqué l'histoire - Aujourd'hui, les poings levés de Tommie Smith et John Carlos, lors des JO de 1968.

Peter Norman, Tommie Smith et John Carlos, lors des JO de 1968. (Anonymous/AP/SIPA)


Cet été, "l'Obs" revient sur les photos qui ont marqué l'histoire. A la une des journaux, dans les pages de nos livres d'école, voire arborées fièrement sur nos t-shirts, elles ont fait le tour du monde. Mais connaissez-vous l'histoire secrète de ces clichés mythiques ? 

Un geste de défi
 

1968, année césure. Même si l'événement se veut apolitique, les Jeux olympiques de Mexico ne sont pas épargnés par la bourrasque de révolte qui souffle alors. Sur cette photo, restée gravée dans les esprits, deux des trois gagnants de la très prisée épreuve du 200 mètres brandissent un poing ganté de noir, les yeux rivés vers le sol.


Il s'agit de Tommie Smith et de John Carlos, respectivement premier et troisième, qui s’érigent ce jour-là contre le racisme et l’exclusion dont sont toujours victimes les afro-américains aux Eta-
ts-Unis. Le geste en soi peut sembler banal. Mais ce 17 octobre 1968, les deux athlètes défient leur pays et la bienséance des Jeux sous les caméras du monde entier, par ce triomphe honteux et accusatoire. Le scandale sera immédiat, et les sanctions aussi cinglantes que l'écho.
 


"Dénoncer l'injustice"

La ségrégation, théoriquement abolie en 1964 par le Civil Rights Act, est encore bien présente dans les mentalités en 1968. L'intolérance et les crimes racistes empoisonnent toujours l'intégration de la communauté noire : le 4 avril, soit cinq mois avant les JO, Martin Luther King est assassiné, et une énième vague d'émeutes embrase le pays qui semble éternellement promis à la violence. Il y a une quarantaine de morts.

Tommie Smith et John Carlos, s'ils n'appartiennent pas de fait à l'un des groupes du Black Power, en deviennent les emblèmes. Ce fameux poing levé, ceint de noir, est en fait l'apanage d'une des formations les plus actives et radicales de l'époque, le Black Panther Party. Et si c'est ce geste qui laissera l'opinion bouche bée, les athlètes ne s'en sont pas contentés. Leur regard, qui se détourne du drapeau américain pendant que l'hymne national retentit fièrement, guide le nôtre vers leurs pieds drapés de longues chaussettes noires.
 



Ceci, énoncera Tommie Smith, "n'a d'autre but que de dénoncer la pauvreté des noirs américains". Pareillement, le foulard qu'il porte ainsi que le maillot ouvert de son camarade John Carlos sont des références explicites au lynchage et l'esclavage des leurs. Un asservissement dont les chaînes jugulent encore la liberté des afro-américains.





Un impact instantané


Ce moment, figé par le photographe John Dominis, ne laisse pas apparaître l'incroyable agitation qui s'ensuit. Car l'effet escompté ne se fait pas attendre. Les audacieux coureurs viennent, en un instant, de clamer en silence la souffrance et l'injustice séculaires de tout un peuple, sous les yeux du monde entier. La foule hurle, crache, les organisateurs hoquètent.

Insultes et menaces fusent, mais un vent d'espoir, qui mugit plus fort encore, souffle à nouveau pour la communauté noire. Le lendemain, trois autres vainqueurs afro-américains du 400 mètres, Lee Evans, Larry James et Ron Freeman, se présenteront sur les marches du podium avec un béret noir, autre référence à l'injustice qui persiste.








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire